12

 

De toute évidence, Rashek déplaça le Puits de l’Ascension.

C’était très malin de sa part – peut-être la chose la plus intelligente qu’il fit jamais. Il savait que le pouvoir reviendrait un jour au Puits, car un pouvoir tel que celui-ci – le pouvoir par lequel le monde lui-même fut formé – ne se contente jamais de s’épuiser. Il peut être utilisé, et par conséquent dispersé, mais il se renouvellera toujours.

Ainsi, conscient que les rumeurs et les récits persisteraient, Rashek transforma le paysage du monde. Il plaça des montagnes dans ce qui deviendrait le Nord, et nomma cet endroit Terris. Puis il aplanit sa véritable patrie et y bâtit sa capitale.

Il construisit son palais autour de cette pièce en son cœur, celle où il méditerait, celle qui était une réplique de son ancienne masure de Terris. Un refuge créé lors des derniers instants avant que son pouvoir ne s’épuise.

 

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— Je m’inquiète pour lui, Elend, déclara Vin, assise sur leur tapis de couchage.

— Qui ça ? demanda Elend, détournant le regard du miroir. Sazed ?

Vin acquiesça. Quand Elend s’était réveillé de leur sieste, elle était déjà levée, baignée et habillée. Il s’inquiétait parfois en la voyant se surmener ainsi. Il s’inquiétait encore davantage maintenant qu’il était lui aussi Fils-des-brumes et comprenait les limites du potin. Le métal renforçait le corps, permettait de reporter la fatigue – mais ce n’était pas sans prix. Quand le potin s’épuisait ou qu’on l’éteignait, la fatigue revenait et vous écrasait comme un mur en train de s’effondrer.

Et pourtant, Vin continuait ainsi. Elend brûlait lui aussi du potin pour repousser ses limites, mais elle paraissait dormir moitié moins que lui. Elle était plus coriace que lui – d’une façon que lui ne connaîtrait jamais.

— Sazed viendra à bout de ses problèmes, répondit Elend en continuant à s’habiller. Il a déjà dû perdre des gens.

— Là, c’est différent, insista Vin.

Il la voyait se refléter dans le miroir, assise en tailleur derrière lui dans sa tenue très simple. L’uniforme d’Elend, d’un blanc éclatant, était tout le contraire. Il était agrémenté de boutons de bois peint couleur or, délibérément conçus de sorte qu’ils contiennent trop peu de métal pour être affectés par l’allomancie. La tenue elle-même était faite d’une étoffe spéciale, plus facile à nettoyer de la cendre. Parfois, il se sentait coupable de tout le travail qu’impliquait son apparence de souverain. Et pourtant, c’était nécessaire. Non pour sa vanité, mais pour son image. Celle pour laquelle ses hommes marchaient en guerre. Dans un pays entièrement noir, Elend portait du blanc – et devenait ainsi un symbole.

— Différent ? demanda-t-il en boutonnant les manches de sa veste. En quoi la mort de Tindwyl est-elle différente ? Elle est tombée lors de l’assaut contre Luthadel. Tout comme Dockson et Clampin. Tu as tué mon propre père lors de cette bataille, et j’ai décapité mon meilleur ami juste avant. Nous avons tous perdu des gens.

— Il a dit à peu près la même chose, répondit Vin. Mais ça représente plus qu’une simple mort pour lui. Je crois qu’il perçoit la mort de Tindwyl comme une sorte de trahison – il a toujours été celui d’entre nous qui avait la foi. Il semblerait qu’il l’ait perdue à sa mort.

— Le seul d’entre nous qui avait la foi ? demanda Elend en s’emparant d’une épingle de bois peinte d’argent sur le bureau pour la fixer à sa veste. Et ça ?

— Tu appartiens à l’Église du Survivant, Elend, observa Vin, mais tu n’as pas la foi. Pas comme l’avait Sazed. C’était comme si… comme s’il savait que tout s’arrangerait toujours. Il avait la certitude que quelque chose veillait sur le monde.

— Il s’en sortira.

— Il n’y a pas que lui, Elend, ajouta Vin. Brise fait trop d’efforts.

— Comment ça ? demanda Elend, amusé.

— Il influence les émotions de tout le monde, répondit Vin. Mais il insiste trop, il essaie de rendre les autres heureux, et il rit trop fort. Il a peur, il s’inquiète. Il le montre en surcompensant.

Elend sourit.

— Tu deviens aussi terrible que lui, à lire les émotions des autres et à leur dire comment ils se sentent.

— Ce sont mes amis, Elend, répondit Vin. Je les connais. Et je vais te dire une chose : ils sont en train de renoncer. Un par un, ils commencent à croire qu’on ne peut pas gagner cette fois-ci.

Elend ferma le dernier bouton, puis s’inspecta dans le miroir. Il se demandait parfois s’il était à la hauteur de ce costume recherché, avec sa blancheur immaculée et la souveraineté qu’elle sous-entendait. Il scruta ses propres yeux, ignorant sa courte barbe, son corps de guerrier et sa peau couverte de cicatrices. Il sonda ses yeux pour y chercher un roi. Comme toujours, ce qu’il vit ne l’impressionna guère.

Il poursuivait malgré tout, car il était ce qu’ils avaient de mieux. Tindwyl lui avait appris cette leçon.

— D’accord, dit-il. Je pars du principe que tu as raison au sujet des autres – je vais faire quelque chose pour y remédier.

Après tout, c’était là son travail. Le titre d’empereur ne s’accompagnait que d’un seul devoir.

Tout arranger.

 

— Très bien, dit Elend en désignant une carte de l’empire suspendue au mur de la tente de conférence. Nous avons noté les heures d’arrivée et de disparition des brumes chaque jour, puis Noorden et ses scribes les ont analysées. Ils nous ont donné ce schéma à titre de référence.

Le groupe se pencha pour étudier la carte. Vin préférait rester assise au fond de la tente, comme toujours. Plus près des ombres. De la sortie. Elle avait effectivement gagné en confiance, mais sans devenir négligente pour autant. Elle aimait pouvoir garder à l’œil toutes les personnes présentes dans la pièce, même si elle leur faisait confiance.

Et c’était le cas. À l’exception peut-être de Cett. Cet entêté se tenait assis à l’avant du groupe, comme toujours, avec son fils adolescent silencieux à ses côtés. Cett – ou le roi Cett, l’un des monarques qui avaient prêté allégeance à Elend – avait une barbe démodée, une bouche qui l’était encore plus, et deux jambes invalides. Ce qui ne l’avait pas empêché de presque conquérir Luthadel plus d’un an auparavant.

— Vache, commenta Cett. Vous vous attendez à ce qu’on arrive à déchiffrer ça ?

Elend tapota la carte du doigt. C’était un grossier croquis de l’empire, semblable à celui qu’ils avaient trouvé dans la grotte, mais en plus récent. Plusieurs grands cercles concentriques y figuraient.

— Le cercle externe est l’endroit où les brumes se sont entièrement emparées des terres et ne se retirent plus jamais dans la journée. (Elend déplaça le doigt pour montrer un autre cercle plus à l’intérieur.) Ce cercle-ci traverse le village que nous venons de visiter et où nous avons trouvé la cachette. Il indique quatre heures de lumière du jour. Tout ce qui se trouve à l’intérieur de ce cercle bénéficie de plus de quatre heures. Tout ce qui se trouve à l’extérieur en reçoit moins.

— Et le dernier cercle ? demanda Brise.

Il était assis avec Allrianne aussi loin de Cett que le permettait la tente. Cett prenait souvent Brise pour cible : de ses insultes, essentiellement, et parfois de ses couteaux.

Elend étudia la carte.

— À supposer que les brumes continuent à progresser au même rythme vers Luthadel, ce cercle-là représente la zone dont les scribes estiment qu’elle bénéficiera d’assez de lumière cet été pour faire pousser des cultures.

Le silence tomba dans la pièce.

L’espoir, c’est pour les idiots, sembla murmurer la voix de Reen dans l’esprit de Vin. Elle secoua la tête. Son frère, Reen, l’avait formée à la vie des rues et de la clandestinité, lui apprenant la méfiance et la paranoïa. Ce faisant, il lui avait aussi appris à survivre. Il avait fallu l’arrivée de Kelsier pour lui montrer qu’il était possible à la fois de faire confiance et de rester en vie – leçon qu’elle avait eu bien du mal à apprendre. Malgré tout, elle entendait encore souvent la voix fantôme de Reen chuchoter dans sa tête – plus proche d’un souvenir que d’autre chose – en faisant ressortir ses doutes, ses angoisses, et les souvenirs de son enseignement brutal.

— Ce cercle n’est pas très grand, El, déclara Ham tout en étudiant la carte.

Le colosse était assis en compagnie du général Demoux entre Cett et Brise. Sazed, assis sur le côté, gardait le silence. Vin lui jeta un coup d’œil, cherchant à deviner si leur précédente conversation avait allégé un tant soit peu sa dépression, mais elle ne put s’en assurer.

Ils formaient un petit groupe : neuf personnes en comptant Gneordnin, le fils de Cett. Mais il rassemblait à peu près tout ce qui restait de la bande de Kelsier. Seul manquait Spectre, parti en reconnaissance dans le Nord. Tous se concentraient sur la carte. Le dernier cercle était effectivement très petit – plus petit même que le Dominat Central, qui accueillait la capitale impériale de Luthadel. Ce que disait la carte, et que sous-entendait Elend, était que plus de quatre-vingt-dix pour cent de l’empire ne seraient pas en mesure de faire pousser de cultures l’été suivant.

— Même cette petite bulle aura disparu d’ici l’hiver prochain, déclara Elend.

Vin regarda les autres réfléchir et comprendre – s’ils ne l’avaient pas déjà fait – l’horreur de ce qui les attendait. C’est comme ce que disait le journal d’Alendi, songea-t-elle. Ils ne pouvaient pas combattre l’Insondable avec des armées. Il détruisait les villes et apportait une mort lente et affreuse. Ils étaient impuissants.

L’Insondable. C’était le nom qu’ils donnaient aux brumes – ou, du moins, c’était ainsi que les désignaient les récits ayant survécu. Peut-être la créature qu’ils combattaient, cette force primitive que Vin avait libérée, se trouvait-elle derrière cette mascarade. Il n’y avait réellement aucun moyen de savoir avec certitude ce qu’avaient été autrefois les choses, car cette entité avait le pouvoir de modifier les récits.

— Très bien, messieurs, dit Elend en croisant les bras. Nous avons besoin de réfléchir à des solutions. Kelsier vous avait recrutés parce que vous étiez capables d’accomplir l’impossible. Ce qui décrit assez bien notre situation.

— Il ne m’avait pas recruté, rectifia Cett. Je me suis fait entraîner par les couilles dans ce petit fiasco.

— Je regrette de ne pas m’en soucier assez pour vous présenter mes excuses, dit Elend en lui lançant un regard noir. Allez. Je sais que vous avez des idées.

— Eh bien, mon cher, déclara Brise, la solution la plus évidente me paraît être le Puits de l’Ascension. Il semblerait que le pouvoir qu’il contient ait été conçu pour combattre les brumes.

— Ou libérer la créature qui s’y cachait, répondit Cett.

— Ça n’a aucune importance, intervint Vin, qui fit se retourner toutes les têtes vers elle. Le Puits ne contient aucun pouvoir. Il a disparu. Il a été consumé. S’il revient un jour, ce sera dans mille ans, je crois.

— C’est un peu trop loin pour faire durer les réserves de ces cachettes, dit Elend.

— Et si nous cultivions des plantes qui ont besoin de très peu de lumière ? demanda Ham.

Comme toujours, il était simplement vêtu d’un pantalon et d’un gilet. C’était un Cogneur, capable de brûler du potin – ce qui le rendait plus résistant à la chaleur et au froid. Il n’aurait pas vu d’inconvénient à se promener sans manches par une journée où la plupart des hommes courraient aux abris.

Enfin, peut-être pas avec joie. Ham n’avait pas changé du jour au lendemain, comme Sazed. Toutefois, il avait en partie perdu sa jovialité. Il avait tendance à rester assis à ne rien faire, l’expression consternée, comme s’il méditait très, très soigneusement les choses – et n’aimait pas beaucoup les réponses qu’il trouvait.

— Il existe des plantes qui n’ont pas besoin de lumière ? demanda Allrianne en inclinant la tête.

— Les champignons, ce genre de choses, répondit Ham.

— Je doute que nous puissions nourrir tout un empire de champignons, intervint Elend. Même si l’idée n’est pas mauvaise.

— Il doit bien y avoir d’autres plantes, dit Ham. Même si les brumes s’attardent toute la journée, il y aura bien de la lumière qui filtrera. Certaines plantes doivent pouvoir s’en contenter.

— Des plantes non comestibles, mon cher, signala Brise.

— D’accord, mais peut-être qu’elles le sont pour les animaux.

Elend hocha la tête, songeur.

— Il nous reste sacrément peu de temps à consacrer à l’horticulture, commenta Cett. Il y a des années que nous aurions dû travailler à ces choses-là.

— Il y a encore quelques mois, nous ignorions la majeure partie de tout ça, répondit Ham.

— C’est vrai, dit Elend. Mais le Seigneur Maître a eu mille ans pour se préparer. C’est pourquoi il a entassé ces réserves dans les grottes – et nous ignorons toujours ce que contient la dernière.

— Je n’aime pas me fier au Seigneur Maître, Elend, dit Brise en secouant la tête. Il a dû préparer ces cachettes en sachant qu’il serait mort si quiconque devait jamais s’en servir.

Cett hocha la tête.

— Ce crétin d’Apaiseur a raison. Si j’étais le Seigneur Maître, j’aurais rempli ces cachettes de nourriture empoisonnée et d’eau dans laquelle on aurait pissé. Si j’étais mort, j’aimerais autant que tout le monde le soit aussi.

— Fort heureusement, Cett, répondit Elend en haussant un sourcil, le Seigneur Maître s’est révélé plus altruiste que nous n’aurions pu nous y attendre.

— Je ne pensais pas entendre ça un jour, commenta Ham.

— Il était empereur, dit Elend. Nous n’aimions peut-être pas la façon dont il a régné, mais je crois que je le comprends en partie. Il n’était pas malveillant – il n’était même pas mauvais, en réalité. Il s’est simplement… laissé emporter. Par ailleurs, il a résisté à cette créature que nous combattons.

— Cette créature ? demanda Cett. Les brumes ?

— Non, répondit Elend. Celle qui était prisonnière du Puits de l’Ascension.

Elle s’appelle Ravage, songea soudain Vin. Et elle va tout détruire.

— C’est pourquoi j’ai décidé qu’il nous fallait trouver cette dernière cachette, poursuivit Elend. Le Seigneur Maître a vécu cette situation autrefois – il savait comment se préparer. Peut-être que nous découvrirons des plantes capables de grandir sans lumière. Jusqu’ici, toutes les cachettes comportaient des éléments communs – les réserves de nourriture, l’eau – mais chacune renfermait également quelque chose de nouveau. À Vetitan, nous avons trouvé de vastes réserves des huit premiers métaux allomantiques. Le contenu de la dernière grotte est peut-être exactement ce dont nous avons besoin pour survivre.

— Alors voilà ! s’exclama Cett, affichant un large sourire derrière sa barbe. Nous sommes bien en train de marcher sur Fadrex, c’est ça ?

Elend hocha brusquement la tête.

— Oui. Le corps principal de l’armée se dirigera vers le Dominat Occidental une fois que nous aurons levé le camp d’ici.

— Ha ! répondit Cett. Dans les dents, Penrod et Janarle !

Vin eut un petit sourire. Penrod et Janarle étaient les deux autres rois les plus importants sous le règne impérial d’Elend. Penrod gouvernait Luthadel, raison pour laquelle il ne se trouvait pas avec eux en ce moment même, et Janarle dirigeait le Dominat Boréal – qui comprenait les terres héréditaires de la Maison Venture.

Toutefois, la plus grande ville du Nord avait été le cadre d’une révolte tandis que Janarle – en compagnie de Straff Venture, le père d’Elend – s’était absenté pour assiéger Luthadel. Jusqu’à présent, Elend n’avait pas été en mesure de fournir les troupes nécessaires pour reprendre Urteau à ses dissidents, si bien que Janarle régnait en exil, employant ses effectifs plus réduits pour maintenir l’ordre dans les villes qu’il contrôlait bel et bien.

Aussi bien Janarle que Penrod s’étaient employés à trouver des prétextes pour empêcher l’armée principale de marcher sur la patrie de Cett.

— Ces salopards ne seront pas franchement ravis quand ils apprendront ça, ajouta Cett.

Elend secoua la tête.

— Êtes-vous incapable de faire une phrase qui ne contienne pas la moindre obscénité ?

Cett haussa les épaules.

— À quoi bon parler si on ne peut rien dire d’intéressant ?

— Les jurons n’ont rien d’intéressant, rétorqua Elend.

— C’est vous qui le dites, répondit Cett en souriant. Et franchement, vous ne devriez pas vous plaindre, l’empereur. Si vous me trouvez vulgaire, moi, c’est que vous vivez à Luthadel depuis trop longtemps. Là d’où je viens, les gens auraient honte d’employer des mots aussi raffinés que « salopard ».

Elend soupira.

— Quoi qu’il en soit, je…

Il s’interrompit quand le sol se mit à trembler. Vin se releva aussitôt, cherchant le danger tandis que les autres juraient en essayant de retrouver leur équilibre. Elle repoussa le rabat de la tente et scruta les brumes. Mais les tremblements cessèrent bien vite et suscitèrent, somme toute, très peu de chaos dans le camp. Les patrouilles allaient et venaient, en quête de problèmes – des officiers et allomanciens sous les ordres d’Elend. La plupart des soldats, en revanche, restèrent simplement dans leur tente.

Vin se retourna vers l’intérieur de la tente. Quelques chaises s’étaient renversées, et le tremblement de terre avait dérangé le mobilier de voyage. Les autres regagnèrent lentement leurs sièges.

— Ça commence à en faire pas mal, depuis quelque temps, commenta Ham.

Vin croisa le regard d’Elend et y lut son appréhension.

Nous pouvons combattre des armées, capturer des villes, mais qu’en est-il de la cendre, des brumes et des tremblements de terre ? Du monde qui s’effondre autour de nous ?

— Quoi qu’il en soit, déclara Elend d’une voix ferme malgré l’inquiétude qu’il devait certainement éprouver, Fadrex doit être notre prochaine étape. Nous ne pouvons pas risquer de manquer cette cachette et ce qu’elle pourrait contenir.

Comme l’atium, murmura Reen dans la tête de Vin tandis qu’elle se rasseyait.

— L’atium, dit-elle tout haut.

Cett s’anima.

— Vous pensez qu’il sera là-bas ?

— Il y a des théories, répondit Elend en regardant Vin. Mais nous n’avons aucune preuve.

— Il y sera, dit-elle.

Il le faut. Je ne sais pas pourquoi, mais il nous faut cet atium.

— J’espère que non, dit Cett. J’ai traversé la moitié de cette saleté d’empire pour essayer de voler cet atium – s’il s’avère que je l’ai laissé en dessous de ma propre ville…

— El, je crois que quelque chose d’important nous échappe, déclara Ham. Vous parlez de conquérir Fadrex ?

Le silence retomba. Jusqu’alors, les armées d’Elend avaient été employées à des fins défensives, pour attaquer les garnisons de koloss ou les camps des petits chefs militaires et des bandits. Elles avaient persuadé par la force plusieurs villes de les rejoindre, mais elles n’avaient encore jamais attaqué une ville pour s’en emparer.

Elend se retourna pour étudier la carte. Même de profil, Vin voyait ses yeux – ceux d’un homme endurci par deux années de guerre quasi constante.

— Notre but premier sera de prendre la ville par la diplomatie, déclara Elend.

— Diplomatie ? répéta Cett. Fadrex est à moi. Ce salopard d’obligateur me l’a volée ! Ce n’est pas la peine d’avoir mauvaise conscience de l’attaquer, Elend.

— Pas la peine ? demanda Elend en se retournant. Cett, ce sont vos hommes – vos soldats – que nous devrons tuer pour entrer dans cette ville.

— Les gens meurent à la guerre, répondit Cett. Avoir mauvaise conscience ne nettoie pas le sang de vos mains, alors à quoi bon ? Ces soldats se sont retournés contre moi ; ils n’auront que ce qu’ils méritent.

— Ce n’est pas si simple, dit Ham. Si ces soldats n’ont eu aucun moyen de combattre cet usurpateur, pourquoi s’attendre à ce qu’ils renoncent à la vie ?

— Surtout de la part d’un homme qui était lui-même usurpateur.

— Quoi qu’il en soit, déclara Ham, les comptes-rendus décrivent la ville comme étant très bien défendue. Ça ne va pas être évident, El.

Elend garda un moment le silence puis se tourna vers Cett, qui paraissait toujours infiniment satisfait de lui-même. Ils semblaient tous deux partager quelque chose : une compréhension. Elend était un maître de la théorie, et avait sans doute davantage lu que quiconque sur la guerre. Cett semblait posséder un sixième sens pour la guerre et la tactique, et avait remplacé Clampin en tant que principal stratège militaire de l’empire.

— Un siège, déclara Cett.

Elend hocha la tête.

— Si le roi Yomen refuse de répondre à la diplomatie, alors le seul moyen d’entrer dans cette ville – à moins de tuer la moitié de nos hommes en essayant d’y pénétrer – consiste à l’assiéger et à le placer dans une situation désespérée.

— Est-ce qu’on a le temps pour ça ? demanda Ham, songeur.

— Urteau mis à part, répondit Elend, Fadrex et les zones environnantes sont les seules sections importantes des Dominats Internes qui conservent une armée assez puissante pour être menaçante. C’est pour cette raison, en plus de la cachette, que nous ne pouvons pas nous contenter de les laisser tranquilles.

— Le temps joue avec nous, d’une certaine manière, ajouta Cett en se grattant la barbe. On ne se contente pas d’attaquer une ville comme Fadrex, Ham. Elle possède des fortifications, et c’est l’une des rares villes en dehors de Luthadel qui soit capable de repousser une armée. Mais comme elle se trouve hors du Dominat Central, elle manque sans doute déjà de nourriture.

Elend acquiesça.

— Alors que nous disposons de toutes les provisions que nous avons trouvées dans les réserves cachées. Si nous bloquons la grand-route, puis que nous nous emparons du canal, ils finiront par être obligés de livrer la ville. Même s’ils ont trouvé la cachette – ce dont je doute fort –, nous serons en mesure de tenir plus longtemps qu’eux.

Ham fronça les sourcils.

— Sans doute…

— Par ailleurs, ajouta Elend, si les choses s’enveniment, nous possédons environ vingt mille koloss que nous pouvons exploiter.

Ham haussa un sourcil, sans dire un mot. Mais son expression était éloquente. Vous retourneriez les koloss contre d’autres gens ?

— Un autre élément entre en compte, déclara doucement Sazed. Quelque chose dont nous n’avons, pour l’heure, pas encore parlé.

Plusieurs personnes se retournèrent comme si elles avaient oublié sa présence.

— Les brumes, poursuivit-il. Fadrex se trouve bien au-delà du périmètre des brumes, empereur Venture. Exposerez-vous votre armée au risque de quinze pour cent de pertes avant même d’atteindre la ville ?

Elend garda le silence. Jusqu’alors, il était parvenu à tenir la plupart de ses soldats à l’écart des brumes. Vin trouvait injuste que leur armée ait été protégée de la maladie alors qu’on avait obligé les villageois à sortir dans les brumes. Et pourtant, lorsqu’ils campaient, ils bénéficiaient encore d’un bon moment de lumière du jour avant l’arrivée des brumes, et ils possédaient également assez de tentes pour abriter tous les soldats, ce qui n’était pas le cas lorsqu’ils déplaçaient les villageois.

Les brumes pénétraient rarement dans les bâtiments, même ceux de tissu. Il n’y avait eu aucune raison de risquer de tuer certains des soldats, puisqu’ils étaient alors en mesure de l’éviter. Ce que Vin trouvait hypocrite mais, jusqu’à présent, c’était logique.

Elend croisa le regard de Sazed.

— Vous avez raison, dit-il. Nous ne pouvons pas en protéger éternellement les soldats. J’ai forcé les villageois de Vetitan à s’immuniser ; je suppose que nous devrons imposer la même chose à l’armée, pour les mêmes raisons.

Vin se rassit en silence. Elle regrettait souvent l’époque où elle n’était pas impliquée dans ce genre de décisions – ou, mieux encore, quand Elend n’était pas contraint de les prendre.

— Nous allons marcher sur Fadrex, répéta-t-il en se détournant du groupe pour désigner la carte. Si nous voulons nous en sortir – et par « nous », j’entends toute la population du Nouvel Empire –, nous allons devoir nous rassembler et concentrer nos populations près du Dominat Central. Ce sera le seul endroit où l’on pourra faire pousser de la nourriture cet été, et nous aurons besoin d’un maximum de main-d’œuvre pour déblayer les cendres et préparer les champs. Ce qui implique d’amener la population de Fadrex sous notre protection.

» Ce qui implique également, dit-il en désignant la section nord-est de la carte, de réprimer la rébellion à Urteau. Non seulement la ville renferme une cachette – contenant des céréales dont nous avons absolument besoin pour de nouvelles plantations dans le Dominat Central –, mais ses nouveaux dirigeants sont en train de reprendre des forces et de rassembler une armée. Urteau est largement à distance de ravitaillement de Luthadel, comme nous l’avons découvert quand mon père nous a assiégés. Je refuse de revivre cet événement.

— Nous n’avons pas assez d’hommes pour marcher sur les deux fronts à la fois, El, observa Ham.

Elend hocha la tête.

— Je sais. En fait, je préférerais éviter de marcher sur Urteau. C’était le siège de mon père – la population de la ville avait de bonnes raisons de se rebeller contre lui. Demoux, un rapport ?

Demoux se leva.

— Nous avons reçu un message de Spectre gravé dans l’acier pendant l’absence de Votre Majesté, répondit-il. Le gamin affirme que la faction qui contrôle Urteau se compose de rebelles skaa.

— Voilà qui semble prometteur, commenta Brise. Des hommes comme on les aime.

— Ils se montrent… très durs avec les nobles, lord Brise, répondit Demoux. Et ils incluent dans ce groupe toute personne ayant des parents nobles.

— Ça me paraît un peu extrême, dit Ham.

— Kelsier aussi, beaucoup de gens le trouvaient extrême, fit remarquer Brise. Je suis sûr que nous arriverons à faire entendre raison à ces rebelles.

— Parfait, dit Elend, car je compte sur vous et sur Sazed pour prendre le contrôle d’Urteau sans recourir à la force. Il n’existe que cinq cachettes et nous ne pouvons pas nous permettre d’en perdre une. Qui sait ce que nous découvrirons à Fadrex – ça nous obligera peut-être à retourner aux autres cachettes pour trouver quelque chose que nous aurions manqué.

Il se retourna pour regarder Brise, puis Sazed.

— Nous ne pouvons pas nous contenter de faire sortir furtivement la nourriture d’Urteau, dit-il. Si la rébellion se répand dans cette ville, elle pourrait faire de nouveau éclater l’empire tout entier. Nous devons rallier ces hommes à notre cause.

Toutes les personnes présentes dans la pièce, Vin comprise, hochèrent la tête. Ils savaient d’expérience quel pouvoir une petite rébellion pouvait exercer sur un empire.

— Le siège de Fadrex risque de durer un moment, reprit Elend. Bien avant l’été, je veux que vous ayez localisé cette cachette au nord et apaisé la rébellion. Envoyez les réserves de céréales au Dominat Central pour les cultures.

— Ne vous en faites pas, déclara Brise. J’ai vu le genre de gouvernement que les skaa mettent en place : le temps que nous arrivions, la ville sera sans doute au bord de l’effondrement. Ils seront même probablement ravis qu’on leur propose de rejoindre le Nouvel Empire !

— Soyons prudents, dit Elend. Les rapports de Spectre sont peut-être rares, mais il semblerait qu’il règne en ville des tensions extrêmes. Nous allons envoyer avec vous quelques centaines de soldats pour vous protéger. (Il reporta son attention sur la carte, plissant légèrement les yeux.) Cinq cachettes, cinq villes. Urteau fait partie de cet ensemble, d’une manière ou d’une autre. Nous ne pouvons nous permettre de la laisser nous échapper.

— Votre Majesté, intervint Sazed. Ma présence est-elle nécessaire lors de ce voyage ?

Elend fronça les sourcils et se tourna vers lui.

— Avez-vous autre chose à faire, Sazed ?

— J’ai des recherches à poursuivre, répondit le Gardien.

— Je respecte vos souhaits, comme toujours, dit Elend. Si vous estimez ces recherches importantes…

— Elles sont de nature personnelle, Votre Majesté, répondit Sazed.

— Pourriez-vous vous en occuper tout en nous aidant à Urteau ? demanda Elend. Vous êtes terrisien, ce qui vous confère une crédibilité qu’aucun de nous ne possède. Par ailleurs, les gens vous respectent et vous font confiance, Sazed – à juste titre. Brise, en revanche, a une certaine… réputation.

— J’y ai travaillé dur, vous savez, répondit Brise.

— J’aimerais vraiment que vous soyez là pour diriger cette équipe, Sazed, dit Elend. Je ne vois pas de meilleur ambassadeur que le Premier Témoin Sacré en personne.

L’expression de Sazed était indéchiffrable.

— Très bien, dit-il enfin. Je ferai de mon mieux.

— Parfait, conclut Elend en se retournant vers le reste du groupe. Alors il ne me reste qu’une dernière chose à vous demander à tous.

— De quoi s’agit-il ? demanda Cett.

Elend garda quelques instants le silence, fixant d’un air songeur un point au-dessus de leurs têtes.

— Je veux que vous me parliez du Survivant, dit-il enfin.

— Il était le seigneur des brumes, répondit aussitôt Demoux.

— Pas la rhétorique, dit Elend. Je voudrais que quelqu’un me parle de l’homme, Kelsier. Je l’ai rencontré une fois, juste avant sa mort, mais je ne l’ai jamais connu.

— À quoi bon ? demanda Cett. Nous avons tous entendu les récits. À en croire les skaa, il est quasiment un dieu.

— Faites simplement ce que je vous demande, répondit Elend.

Le silence régna quelques instants sous la tente. Enfin, Ham reprit la parole.

— Kell était… formidable. Ce n’était pas juste un homme, il était plus que ça. Tout ce qu’il faisait, c’était en grand : ses rêves, sa façon de parler, de penser…

— Et ce n’était pas factice, ajouta Brise. J’arrive à déterminer quand quelqu’un se fait passer pour ce qu’il n’est pas. En fait, c’est pour cette raison que j’ai commencé à travailler avec Kelsier. Au milieu de tous les poseurs et charlatans, il était authentique. On voulait tous être les meilleurs. Mais Kelsier, lui, l’était vraiment.

— C’était un homme, répondit doucement Vin. Rien qu’un homme. Et pourtant, on savait toujours qu’il réussirait. Il faisait de vous ce qu’il voulait vous voir devenir.

— Et donc, il pouvait vous manipuler, dit Brise.

— Mais quand il en avait fini avec vous, vous étiez devenu quelqu’un de meilleur.

Elend hocha lentement la tête.

— Je regrette de ne pas avoir pu le connaître. Au début de ma carrière, je me comparais toujours à lui. Quand j’ai appris son existence, il était déjà une légende. C’était injuste de m’obliger à essayer de lui ressembler, mais je m’inquiétais malgré tout. Quoi qu’il en soit, ceux d’entre vous qui l’ont connu pourront peut-être répondre à une autre question. Que croyez-vous qu’il dirait s’il nous voyait actuellement ?

— Il serait fier, s’empressa de répondre Ham. Enfin, nous avons vaincu le Seigneur Maître, et construit un gouvernement skaa.

— Et s’il nous voyait lors de cette réunion ? demanda Elend.

Le silence retomba. Quand quelqu’un répondit ce que tous pensaient, ce fut la dernière personne à laquelle Vin aurait songé.

— Il nous dirait de rire davantage, murmura Sazed.

Brise se mit à glousser.

— Il était complètement fou, vous savez. Plus les choses empiraient, plus il plaisantait. Je me souviens de quelle humeur guillerette il était le lendemain de l’une de nos pires défaites, quand nous avons perdu la majeure partie de notre armée skaa à cause de cet idiot de Yeden. Kell est entré d’un pas sautillant en lançant une de ses plaisanteries ineptes.

— Ça me paraît extrêmement insensible, commenta Allrianne.

Ham secoua la tête.

— Non. Il était simplement déterminé. Il répétait toujours que le rire était quelque chose que le Seigneur Maître ne pouvait pas lui prendre. Il avait projeté de renverser un empire vieux de mille ans – et c’était pour lui une sorte de… pénitence pour avoir laissé sa femme mourir en croyant qu’il la détestait. Mais il faisait tout ça avec un sourire narquois aux lèvres. Comme si chaque blague était sa manière de gifler le destin en pleine figure.

— Nous avons besoin d’être comme lui, déclara Elend.

Tous les regards se tournèrent vers lui.

— Nous ne pouvons pas continuer comme ça, poursuivit-il. Nous nous chamaillons entre nous, nous passons notre temps à nous morfondre, à regarder tomber la cendre, persuadés d’être condamnés.

Brise gloussa.

— Je ne sais pas si vous avez remarqué le tremblement de terre d’il y a quelques minutes, mon cher, mais le monde semble bel et bien toucher à sa fin. C’est là un événement incontestablement déprimant.

Elend secoua la tête.

— Nous pouvons y survivre. Mais à la seule condition que notre peuple ne renonce pas. Il a besoin de dirigeants qui rient, qui ont la conviction que l’on peut remporter cette bataille. Alors voici ce que je vous demande. Je me moque bien que vous soyez optimistes ou pessimistes de nature – je me moque bien que vous pensiez secrètement que nous serons tous morts avant la fin du mois. Extérieurement, je veux vous voir sourire. Faites-le par défi, s’il le faut. Si la fin arrive bel et bien, je veux que ce groupe l’affronte avec le sourire. Comme nous l’a enseigné le Survivant.

Lentement, les membres de l’ancienne bande hochèrent la tête en acquiesçant – même Sazed, malgré son expression préoccupée.

Cett se contenta de secouer la tête.

— Vous êtes fous, tous autant que vous êtes. Je me demande bien comment je me suis retrouvé parmi vous.

Brise éclata de rire.

— Alors là, Cett, vous mentez. Vous savez très bien comment vous vous êtes retrouvé à nos côtés. Nous avons menacé de vous tuer si vous ne le faisiez pas !

Elend regardait Vin. Elle croisa son regard et hocha la tête. Ç’avait été un bon discours. Elle ignorait dans quelle mesure ses paroles changeraient quoi que ce soit – la bande ne pourrait jamais redevenir ce qu’elle était au départ, quand elle riait avec une telle insouciance autour de la table de Clampin. Cependant, s’ils gardaient en tête le sourire de Kelsier, ils risqueraient peut-être moins d’oublier pourquoi ils continuaient à se battre.

— Très bien, messieurs dames, dit-il enfin. Commençons les préparatifs. Brise, Sazed, Allrianne – j’ai besoin que vous parliez aux scribes des estimations de fournitures nécessaires pour votre voyage. Ham, envoyez un message à Luthadel pour demander à Penrod de faire travailler nos érudits sur la culture de plantes capables de pousser avec très peu de lumière. Demoux, faites passer le mot à vos hommes. Nous partons demain.

Le héros des siècles
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